Une si longue lettre – Mariama Bâ

J’ai toujours voulu découvrir la plume de l’une des pionnières de la littérature africaine. Cet ouvrage est une véritable fresque de la condition des femmes au Sénégal en particulier, et en Afrique en général.

Quatrième de couverture :

Une si longue lettre est une œuvre majeure, pour ce qu’elle dit de la condition des femmes. Au cœur de ce roman, la lettre que l’une d’elle, Ramatoulaye, adresse à sa meilleure amie, pendant la réclusion traditionnelle qui suit son veuvage. Elle y évoque leurs souvenirs heureux d’étudiantes impatientes de changer le monde, et cet espoir suscité par les Indépendances. Mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l’absence de droits des femmes. Et tandis que sa belle-famille vient prestement reprendre les affaires du défunt, Ramatoulaye évoque alors avec douleur le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune, ruinant vingt-cinq années de vie commune et d’amour.

Mon avis :

C’est la première fois que je lis un roman épistolaire. J’ai bien lu Dracula. Mais celui-ci était constitué, en plus des lettres, des fax et des factures, tout le contraire de ce roman, dont l’histoire est bien plus facile à suivre.

Comme le titre l’indique, ce roman n’est constitué que d’une seule lettre écrite en 28 chapitres. Elle est écrite par Ramatoulaye à sa meilleure amie Aïssatou, pendant sa réclusion traditionnelle après la mort de son mari. Pendant ces 42 jours, Ramatoulaye fait le point sur sa vie, depuis son adolescence, le début de son mariage puis la trahison de son mari jusqu’à la mort de celui-ci. Elle se livre corps et âme. Tout y passe : ses espoirs, ses regrets, et même les vérités qu’elle n’osait pas s’avouer. En même temps, elle évoque la vie d’autres femmes comme Aïssatou, sa rivale, et bien d’autres encore, tout en menant une réflexion approfondie sur les conditions féminines dans son pays.

Sa lettre fait revivre cette période si charnière dans l’histoire du Sénégal qu’est le lendemain des Indépendances. La jeune République est à ce moment écartelée entre modernité et traditions. Celles-ci sont très bien dépeintes et pèsent lourd sur les épaules des femmes.

Ramatoulaye semble être au début à l’image de cette société. Bien qu’ayant fait des études et refusé de se plier à un mariage de raison, elle a fini par accepter la polygamie de son mari, par respect des traditions et aussi par peur d’un avenir incertain. Sa vie et celle de sa meilleure amie sont ainsi en miroir. Les deux ont eu des parcours sensiblement égaux, mais ont fait des choix opposés à la croisée des chemins. Ramatoulaye a choisi de se conformer aux traditions et aux attentes de la société, au risque de jeter sa fierté aux orties, tandis que Aïssatou a refusé la polygamie, a préféré divorcer et a refait sa vie dans un autre pays. Malgré leurs choix opposés, les deux amies continuent de se soutenir mutuellement, sans jugement, en dépit des distances qui les séparent.

Pourtant, au fil de la lecture, une autre Ramatoulaye se dévoile. Une qui a des idées féministes et qui rêve d’un destin autre pour la femme, plutôt que la place traditionnelle à laquelle la société l’a cantonnée. Après avoir été abandonnée par son mari, Ramatoulaye s’est découvert une résilience insoupçonnée. Elle a pris sur elle pour s’occuper de ses enfants devenant ainsi le pilier de sa famille. L’auteure nous brossent ainsi le portrait de deux femmes fortes, dont les parcours si réalistes, ne sont pas si différents de ceux de milliers de femmes à travers le monde.

J’ai aussi beaucoup apprécié le style de l’auteure. Généralement, je me concentre beaucoup plus sur l’intrigue. Il est rare que je sois marquée par le style littéraire. Les mots, avec un brin de poésies, tracent une trame d’une grande beauté, dont le fil conducteur reste toutefois concis et clair. Ils sont au service de l’histoire et n’ont qu’un seul but, retranscrire les souvenirs, parfois douloureux, sans pour autant que le personnage paraisse amère, et nous plonger dans son univers.

À travers les vies de Ramatoulaye et d’Aïssatou, c’est l’histoire d’une belle amitié qui est contée. Une qui résiste à l’épreuve du temps. C’est aussi une critique sur le système de caste, la polygamie, et l’utilisation des traditions et de la religion comme prétexte pour enchaîner les femmes. On retient finalement l’image d’une femme qui a redressé la tête en dépit de ses souffrances et des humiliations.

Voici quelques citations que j’ai beaucoup aimé.

« Allez leur expliquer qu’une femme qui travaille n’en est pas moins responsable de son foyer. Allez leur expliquer que rien ne va si vous ne descendez pas dans l’arène, que vous avez tout à vérifier, souvent tout à reprendre : ménage, cuisine, repassage ».

« La femme ne doit plus être l’accessoire qui orne. L’objet que l’on déplace, la campagne qu’on flatte ou calme avec des promesses ».

« Instruments des uns, appâts pour d’autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté ».

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