Tout comme Johnny Hallyday évoque des années d’insouciance dans cette chanson, je me remémore parfois mes jeux d’enfants. C’était vraiment la belle époque, sans soucis et sans problèmes. Je me rappelle particulièrement d’un jeu que nous jouions dans les cours de récréation et dans les rues de Bacongo, un quartier mythique de Brazzaville. On l’appelait affectueusement « mama Marie ».
Le principe était tout simple. On traçait un cercle sur le sol, qui symbolisait une maison. Des enfants s’y enfermaient. Une enfant incarnait « la maman » et demandait à « ses enfants » de rester dans la maison et de ne pas ouvrir la porte à qui que ce soit avant de sortir. Après son départ, un autre qui représentait « un inconnu » venait toquer à la porte et demandait à entrer. Les « enfants » refusaient en mentionnant l’injonction de leurs « mères ». « L’inconnu » usait alors de toutes sortes de subterfuges pour inciter les enfants à lui ouvrir la porte. Lorsque ceci était fait, il emmenait un enfant avec lui jusqu’à son « antre ». Lorsque « la maman » revenait, les enfants entonnaient un chant, dont j’ai fait une traduction sommaire :
Maman Marie, quelle tristesse ! On a kidnappé ton enfant, quelle tristesse ! Son nom est..., quelle tristesse ! Untel ( on cite le prénom de l'enfant kidnappé), quelle tristesse !
Le même processus se succédait jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’enfants dans « la maison ». Ensuite, la maman parvenait à retrouver où étaient retenus ses enfants, puis tendait un piège au kidnappeur avec leur aide. Le jeu se terminait, dans la bonne humeur, lorsque celui-ci était capturé.
Quand j’y repense, je me rends compte que ce jeu en apparence puéril avait un but nettement plus transcendant. Étant un jeu collectif, les enfants apprenaient à sociabiliser tout en s’amusant. Mais surtout, ils apprenaient une notion très importante : la prévention contre les enlèvements, rien que par le simple message : « Ne pas ouvrir à un inconnu », qui pouvait s’étendre à « Ne pas suivre un inconnu ». Bien sûr, dans le jeu, les enfants suivent « leur kidnappeur ». Mais, en étant retenu captifs dans « son antre » pendant quelques minutes, ils ont le temps de penser à ce qui pourrait arriver s’ils suivent un parfait inconnu.
Des jeux comme cela, on en voit de moins en moins. Les enfants sont de plus en plus obnubilés par les écrans. Même les cours de récréation n’échappent pas à l’épidémie des smartphones. C’est beaucoup plus flagrant dans les familles de classe moyenne. Plus les enfants grandissent dans des conditions modernes et moins ils pratiquent des jeux sans gadgets.
Maintenant que j’y pense, cela fait plus de dix ans que je n’ai pas vu des enfants jouer à « mama Marie ». C’est vraiment dommage, car beaucoup de jeunes de la nouvelle génération ne connaîtront pas le simple plaisir de s’asseoir par terre et de battre les mains en chantant : « Maman Marie…. »
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